Jour 4 – 24h bien remplies

03 février 2022

Immersion de la Boîte de Jonction Scientifique et du sismomètre

C’est l’heure de la première opération de mise à l’eau et c’est un moment aussi important que délicat. Après une courte nuit, les équipes mobilisées sont sur le pont à 4h00 pour envoyer la BJS (de l’Ifremer) et le sismomètre (de GéoAzur) au fond du site.

La BJS est un élément primordial pour le fonctionnement des appareils au fond. Son rôle est de fournir un courant électrique et une liaison internet aux engins situés à 2400m : c’est une multiprise intelligente. Elle est immergée avec ses 200 mètres de câble que l’on voit enroulés sur la gigantesque bobine. Ce câble lui sera nécessaire pour établir une liaison avec le ‘Noeud’ de connexion du Téléscope à Neutrino KM3NeT (LSPM) déjà en place, relais d’énergie au fond depuis la terre. La connexion du câble de la BJS au ‘Noeud’ se fera plus tard durant la mission à l’aide du sous-marin Nautile et de ses bras électroniques. Cette nuit, l’objectif était de déposer la BJS au fond – une étape à la fois.

Le sismomètre est lui aussi déposé durant cette première descente. Il est placé sur le site EMSO-LO, à la même profondeur que les autres appareils, dans le but de surveiller l’instabilité gravitaire et comprendre le comportement des fonds marins. Le site EMSO-LO est bien un observatoire sous-marin pluridisciplinaire!

La BJS et le sismomètre sont bien en place, à 3m de leur cible, à 2440m de fond!

Crédit photo : Nicolas Fromont – @nicolasfromontphoto

Prélèvement de plancton

Le plancton est un ensemble d’animaux et de végétaux généralement invisibles à l’œil nu, appelés respectivement zooplancton et phytoplancton, et qui se déplacent avec les courants. Et ce matin, c’est prélèvement de plancton avec le lever du soleil! Marthe est à la recherche de micro-organismes bioluminescents.

L’équipe technique du bord lui déploie son filet à plancton. C’est l’outil le plus simple pour récupérer des organismes de petite taille. L’eau entre par le haut du cône et elle est filtrée en guidant les particules vers le bas du filet appelé le collecteur. Son filet est immergé à 100m de profondeur et remonté à une faible vitesse (50cm/sec) pour être le plus délicat possible avec le plancton.

Marthe va ensuite trier son échantillon en identifiant les différents groupes d’espèces présents. Elle va particulièrement s’intéresser à ceux qui émettent de la lumière, et les organismes bioluminescents seront ramenés à une équipe du MIO pour une identification plus précise. Cela permettra de faire avancer la connaissance au sujet de la bioluminescence des organismes marins !

Crédit photo : Nicolas Fromont – @nicolasfromontphoto

À la recherche de neige marine

Au labo, les chercheurs s’intéressent à un phénomène naturel au nom assez poétique : la neige marine. Ce terme est utilisé pour qualifier les débris organiques formés dans les couches d’eau supérieures et qui dérivent lentement vers le fond marin. Ces débris sont dits organiques car ils sont principalement constitués d’animaux et de végétaux morts (majoritairement de plancton) et de matières fécales. Ce phénomène de décomposition est comparable à la chute de feuilles et d’autres matériaux sur le sol d’une forêt, sauf qu’il ressemble à une pluie de flocons, d’où l’appellation “neige marine”!

C’est une source d’alimentation pour de nombreuses espèces, des plus grosses aux plus petites. Mais c’est aussi un processus océanique important dans le cycle du carbone : En surface, la photosynthèse du phytoplancton (micro algues) utilise le carbone présent dans l’atmosphère sous forme de CO2 et le transforme en différentes molécules carbonées grâce à l’énergie solaire. Ce carbone atmosphérique est donc capturé, et continuellement entraîné par les particules vers le fond. C’est ainsi que le carbone se retrouve stocké dans les sédiments du plancher océanique. La neige marine qui s’enfonce à plus d’un kilomètre de profondeur stocke du carbone dans l’océan profond pendant plus de 1000 ans, ce qui empêche le retour du carbone dans l’atmosphère. On peut donc parler de séquestration du carbone. Cette pluie de particules est lente : certains flocons peuvent tomber durant des semaines avant d’atteindre leur destination! Les plus grosses particules coulent le plus rapidement, et les plus petites n’atteignent pas forcément le fond. Plus leur chute est longue, plus il y a de chances qu’elles soient digérées par un organisme ou colonisées par des bactéries… Et c’est tout l’intérêt des scientifiques à bord! Ils s’intéressent aux bactéries présentes dans la neige marine.

Photo de Virginie Riou, CNRS – 2021.

Le Marine Snow Catcher

Pour trouver de la neige marine sans avoir à plonger il faut utiliser un Marine Snow Catcher. Il permet de collecter les particules de neige marine avec un minimum de traumatisme. C’est une structure en PVC qui a la forme d’une bouteille d’un volume de 100L, seulement elle possède deux ouvertures : une en haut et une en bas. Son fonctionnement est simple : elle est immergée en position ouverte à la profondeur souhaitée (Marc et Chloé l’ont envoyée à 100m) puis, une fois remplie, elle est refermée sur commande depuis le bord. Le Marine Snow Catcher capture ainsi la colone d’eau souhaitée et la remonte en douceur. Après récupération, l’appareil reste debout sur le pont pendant 2 heures pour permettre aux particules de neige marine de couler au fond. C’est la phase de décantation. Ensuite, avec beaucoup de précaution, il faut évacuer les 95 premiers litres qui ne contiennent pas de particules d’intérêt par un robinet. La partie inférieure de la bouteille d’eau contient les 5 litres d’eau restants et la neige marine. C’est cette partie qui est récupérée pour le laboratoire !

Sur la photo, Najib et Marc récupèrent le Marine Snow Catcher depuis la grue pour le laisser décanter.

Crédit Photo : Nicolas Fromont – @nicolasfromontphoto

Une première en radiométrie!

C’est la deuxième mise à l’eau d’appareil dans la journée ! Le radiomètre du CPPM est parti rejoindre l’observatoire sous-marin ce matin et il s’agit du premier radiomètre envoyé à cette profondeur en méditerranée!

Mais, qu’est ce que c’est un radiomètre au juste ? C’est un outil qui permet de mesurer la radioactivité d’un milieu. Il faut savoir que la radioactivité est un phénomène naturel omniprésent. Elle est dûe à des atomes en quête de stabilité : lorsque des atomes ont un surplus d’énergie, ils se désintègrent en éjectant une partie de leurs neutrons et de leurs protons pour se trouver une forme plus stable. Tout cela génère des rayons et on parle alors de radioactivité. (La radioactivité peut aussi être artificielle, c’est le cas dans les centrales nucléaires)

Ce radiomètre a été conçu sur un trépied pour être bien stable, et son détecteur de radioactivité est orienté vers le bas pour se protéger des chutes de particules. S’il est recouvert, il ne pourra plus effectuer de mesures! Le long tube au-dessus du détecteur est la sonde, elle récupère et traite l’information perçue par le détecteur. Et plus haut se trouve le contenant électronique du radiomètre. Le tout est protégé par un opercule, c’est le disque au sommet de l’infrastructure. Le radiomètre fait partie des appareils branchés à la Boîte de Jonction Scientifique.

Voilà, grâce à ce radiomètre les chercheurs du CPPM pourront suivre les mesures de la radioactivité dans les profondeurs – une radioactivité encore peu connue!

Crédit photo : Nicolas Fromont – @nicolasfromontphoto

La mise à l’eau de BathyBot

C’est au tour de BathyBot de rejoindre le site EMSO-LO à 2500m de profondeur ! Ce robot a été pensé par Christian Tamburini et Séverine Martini, et son aspect technique a été soigneusement developpé par Carl Gojak et son équipe (INSUMIO, OSU – CNRS).

BathyBot est un robot benthique, autrement dit c’est un robot qui est destiné à parcourir le fond sous-marin. Il a pour mission d’étudier la bioluminescence et ce de manière assez inédite grâce à une caméra hypersensible. BathyBot est doté de caméras et de capteurs qui permettront d’observer la biodiversité et d’étudier le flux de particules. Les chercheurs espèrent ainsi comprendre les dynamiques biogéochimiques du milieu profond (la biogéochimie s’intéresse à la transformation de matière organique, et d’éléments majeurs comme le carbone, sous l’effet des processus biologiques, géologiques et chimiques : Bio-Géo-Chimie).

BathyBot est mis à l’eau dans son BathyDock, un point de ralliement, sur lequel on distingue bien deux câbles enroulés, un rouge et un bleu. Pour fonctionner, le BathyDock sera branché sur la Boîte de Jonction Scientifique (la multiprise intelligente du fond) grâce au câble rouge. Le câble bleu servira de laisse à BathyBot : il pourra se balader autour du BathyDock en étant rattaché à sa structure – tout en recevant électricité et internet pour la transmission d’images. Les rectangles orange sont des flotteurs permettant au câble de flotter. Ils sont ingénieusement pensés car ils permettent à la laisse de former un arc de cercle flottant lorsqu’elle est déployée, ce qui évite à BathyBot de s’emmêler !

Le sous-marin le Nautile partira prochainement au fond du site pour vérifier que BathyBot soit bien arrivé !

Crédit Photo : Nicolas Fromont – @nicolasfromontphoto

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