Le rôle des organismes vivants dans la capacité des océans à absorber le CO2 atmosphérique reste très mal connu, notamment dans les zones hauturières. L’Antarctique occupe une place particulière car cet océan polaire est le siège d’une pénétration intense du CO2 liée aux basses températures de ses eaux.
Dans ce contexte, MOBYDICK a pour objectif d’étudier les liens qui existent entre la pompe biologique du carbone et la structure du réseau trophique en Antarctique. Pour résoudre ce problème, MOBYDICK propose une nouvelle approche en considérant l’ensemble du réseau trophique, des microbes aux prédateurs supérieurs, et en explorant les relations jusqu’ici mal étudiées entre les flux biogéochimiques (CO2 notamment) et la biodiversité pélagique. L’ensemble de données requis pour tester les hypothèses proposées dans MOBYDICK a été acquis lors d’une campagne océanographique qui s’est déroulée au large des îles Kerguelen en février-mars 2018.
Dans cette zone bien documentée, deux écosystèmes contrastés «Basse biomasse faible exportation» et «Haute biomasse faible exportation» coexistent. MOBYDICK a réuni un consortium international pour mettre au point un large éventail de techniques de détermination des stocks, des flux et de la biodiversité, qui sont rarement utilisées simultanément. Les résultats constitueront un premier jalon pour une connaissance fondamentale des processus importants; ils fourniront également des informations essentielles pour la gestion durable de ces écosystèmes vulnérables dans le contexte du changement climatique en cours.
Pendant MOBYDICK, nous avons déployé pour la première fois un « bottlenet » en mer. Ce dispositif est un filet à plancton de 20 µm inséré dans une bouteille Niskin qui permet de filtrer et de concentrer un très grand volume d’eau dans l’océan profond pour étudier la nature des particules présentes en profondeur.
De façon surprenante, les particules observées dans les eaux profondes à la fin de la saison estivale avec cet appareil étaient largement dominées par des cellules de diatomées en relativement bon état, pleines ou vides, et par des débris de frustules ainsi que de spores de repos. Les pelotes fécales et autres aggrégats étaient faiblement abondants, et dominés par des mini-pelotes (de 30 µm environ) produites par un broutage actif de plusieurs espèces de Phaeodaires (zooplancton du groupe Rhizaria) sur les diatomées.
Des mesures chimiques, microscopiques et de séquençage sont en cours d’analyse pour chaque échantillon de bottlenet et seront comparées aux communautés planctoniques de surface échantillonnées grâce au filet à plancton classique et aux bouteilles Niskin.